L’âme de Tristan dévoilée

 

 

RÉCIT de Tristan

 

La matinée devait être déjà fort avancée lorsqu’on me réveilla et que je fus promptement tiré du lit par l’un des serviteurs. Assurément trop jeune pour être un Maître, ce garçon avait l’air de savourer la tâche qui l’occupait : me faire manger mon petit déjeuner dans une casserole sur le sol de la cuisine.

Puis il me fit gagner au pas de course la rue située sur l’arrière de la maison, où deux poneys splendides se tenaient côte à côte, leurs rênes reliées, à peu près un mètre cinquante derrière eux, à un seul et unique harnais. Un autre garçon, qui les tenait en main, seconda le premier pour m’ajuster ce harnachement. Ma queue était déjà au garde-à-vous, mais, malgré cela, chose inexplicable, je me sentais figé, si bien que les garçons durent me manipuler en me rudoyant.

Il n’y avait pas d’autre voiture à proximité, hormis celles qui passaient avec fracas, les poneys lancés au grand trot, les claquements des lanières. Les fers de leurs bottes rendaient un son crépitant, vif-argent, beaucoup plus léger et rapide que celui de véritables chevaux, me dis-je, et déjà mon cœur battait la chamade.

Je fus placé en position isolée, derrière les deux premiers de l’attelage, puis on m’enroula des lanières autour des couilles et de la queue pour me rattacher les couilles sous le dard ; elles formèrent, ainsi placées, une seule bourse qui faisait poche au-dessous, vers l’avant. Je ne pouvais plus cesser de me contorsionner sous les gestes fermes de ces mains qui, après ces laçages bien serrés, me lacèrent les bras dans le dos puis me ceignirent les hanches d’une ceinture au cuir épais avant de me lacer la queue contre cet accessoire. Un phallus me fut enfoncé, à sa place normale, dans mon arrière-train, et fut également assujetti par des attaches qui remontaient vers la partie arrière de la ceinture, en me passant entre les jambes jusque sur le devant de cette ceinture, mais c’était mieux ajusté, me sembla-t-il, que lors des préparatifs de la veille. Toutefois, il n’y eut pas de queue de cheval, on ne me donna pas de bottes non plus, et quand je m’en aperçus j’en fus extrêmement effrayé.

Je pouvais sentir mes fesses calées contre les attaches de cuir qui me maintenaient le phallus, et, du coup, je me sentis encore plus ouvert de ce côté-là, encore plus nu. Somme toute, la queue de cheval avait été une sorte de protection.

Mais le premier accès de véritable peur panique s’empara de moi quand on m’ajusta un harnais sur la tête et les épaules. Les attaches en étaient très minces, presque délicates, magnifiquement cirées, et l’une d’elles courait sur le sommet de ma tête pour en redescendre de part et d’autre, se ramifier impeccablement pour s’ajuster au contour de mes oreilles, sans les recouvrir, et se rejoindre à hauteur du cou, au moyen d’un épais collier auquel on avait laissé du jeu. Une autre attache tout aussi fine descendait en me couvrant le nez ; là, elle en recoupait encore une troisième qui faisait le tour de ma tête pour se raccorder directement à ma bouche, où elle maintenait en position un phallus de section énorme, très court, que l’on m’introduisit de force entre les lèvres avant que j’aie pu pousser le moindre cri de protestation. Il me remplit la bouche, sans y entrer non plus très profondément, je mordis dessus, et j’en léchai la partie postérieure avec une gourmandise insatiable. Je pouvais respirer assez facilement, mais j’avais la bouche douloureusement distendue, et il en allait de même pour mon anus. La sensation d’être ainsi étiré et pénétré par les deux bouts déclencha en moi un sentiment désespérant d’ivresse qui me fit geindre comme un misérable. Tout cet appareillage fut serré et ajusté, le collier fermé par une boucle derrière la nuque, et les rênes des poneys de devant furent passées par-dessus mes épaules et rattachées à cette boucle. Un autre jeu de rênes partant de leurs hanches solidement harnachées fut également accroché à la boucle de la ceinture qui m’entourait le ventre.

C’était là un harnachement fort ingénieux. La marche des autres poneys me ferait avancer, et même si je perdais l’équilibre je ne pouvais pas tomber. Ils étaient tous deux d’un poids identique au mien, et je voyais bien, aux muscles épais de leur mollets et de leurs cuisses, qu’il s’agissait de poneys accomplis.

En attendant, ils secouaient la tête comme s’ils appréciaient le contact du cuir, quant à moi, je sentais déjà mes larmes couler à flots. Pourquoi ne pouvait-on me harnacher à une voiture de la même façon qu’eux ? Qu’était-on en train de me faire ? Ces deux-là, tout d’un coup, avec leurs queues de cheval luisantes et leurs têtes cabrées, me faisaient l’effet d’être des privilégiés que l’on bichonnait, et, moi, je me sentais ligoté comme un prisonnier de bas étage. Mes pieds nus allaient se cogner au sol de la route, derrière le tintement métallique et retentissant de leurs pieds chaussés. Je me tordais, tirais sur mes guides, mais on m’avait étroitement attaché ; quant aux garçons d’écurie occupés à me huiler le derrière, ils m’ignorèrent.

Soudain, je sursautai au son de cette voix, celle de mon Maître, lorsqu’il apparut, à la limite de mon champ de vision, avec cette longue lanière de cuir qui se balançait, suspendue à sa taille, pour demander avec douceur si j’étais prêt. Les garçons d’écurie répondirent par l’affirmative, l’un d’eux me flanqua une bonne tape du plat de la main, l’autre poussa sur le phallus dans ma bouche grande ouverte pour l’y enfoncer un peu mieux. Je fus pris de toux, de sanglots irrépressibles et je vis le Maître faire un pas pour venir se poster devant moi.

Il portait un magnifique pourpoint de velours prune, à manches bouffantes fantaisie, et chaque centimètre de sa personne possédait toute l’élégance des Princes du château. Puis la chaleur de notre séance amoureuse de la nuit passée me submergea, et je ravalai mes pleurs en silence.

Je tentai de me réfréner, mais on me réfrénait déjà tellement qu’en fait je crus bien que j’étais en train de perdre toute maîtrise intérieure. Sur quoi, en tirant sur tous mes liens d’un seul coup, je compris que j’étais absolument sans défense. Je ne pouvais même pas retomber sur mes pieds si j’en avais envie, et les deux autres poneys étaient si puissants qu’ils m’immobiliseraient sans effort.

Mon Maître s’approcha de moi, me fit tourner la tête sans ménagement dans sa direction et me baisa les paupières. La tendresse de ses lèvres, le parfum de propreté de sa peau et de ses cheveux ramenaient avec eux la promiscuité qui avait été la nôtre dans la chambre à coucher. Mais il était le Maître. Il avait toujours été le Maître, même quand je le chevauchais et que je l’avais fait gémir sous moi. Ma queue fut agitée de convulsions, et je laissai déferler un flot inouï de gémissements et de cris.

Dans sa main, je vis une longue badine plate, peu flexible, qu’il essayait à présent sur l’un des poneys. Sur une longueur d’une soixantaine de centimètres, elle était constituée d’une poignée rigide et s’effilait ensuite sur soixante autres centimètres d’un cuir plat et cinglant qui se tenait droit quand on n’en claquait pas le derrière des poneys.

D’une voix claire, il annonça :

— Le tour du village, comme tous les matins.

Les poneys démarrèrent aussitôt, et je marchai derrière eux, en trébuchant.

Mon Maître marchait à ma hauteur. C’était exactement comme la nuit précédente, quand nous avions descendu cette route tous les deux, à ceci près que j’étais maintenant prisonnier de ces attaches monstrueuses, de ces phallus fermement assujettis. Et, terrifié par la correction qu’il pouvait m’infliger, je tâchais de marcher comme il fallait, comme il me l’avait enseigné.

L’allure n’était pas trop rapide. Mais cette cravache plate et cinglante jouait sur mes contusions. Elle me caressait et me câlinait le dessous des fesses. Mon Maître avançait en silence, et, comme si elle connaissait le chemin par cœur, la paire de poneys tourna pour s’engager sur une large ruelle qui conduisait au cœur du village. C’était la première fois que je le voyais vraiment dans une journée normale, et cette vision m’étonna.

Tabliers blancs, sabots de bois, culottes de peau. Manches roulées, voix fortes et conviviales. Et, partout, des esclaves à la peine. Je vis des princesses qui récuraient des pas de porte, des balcons en hauteur ; et lavaient les vitrines des boutiques. Je vis des Princes porter des paniers sur leur dos et avancer en sautillant devant le fouet de leur Maîtresse, aussi vite qu’ils le pouvaient, et, par un portail, j’entrevis un attroupement de postérieurs écartâtes autour d’une grande cuve de lessive.

Nous passâmes un tournant, et une boutique de harnais se dressa devant nous, avec une Princesse, menottée tout comme je l’étais moi-même, suspendue à l’enseigne accrochée au-dessus de la porte, ensuite ce fut une taverne dans laquelle je vis une file d’esclaves qui attendaient, le long d’une rampe, de recevoir leur punition, l’un après l’autre, sur une petite scène, pour le plus grand amusement d’une dizaine de clients. Juste à côté, il y avait une échoppe de phallus et, exposés dans la devanture, trois Princes accroupis, le visage tourné vers le mur, leurs fesses bien appareillées de spécimens.

J’aurais pu être l’un de ceux-là, songeai-je, accroupi sous ce soleil chaud et poussiéreux, tandis que passait la foule. Était-ce pire que de trotter, la respiration oppressée, la tête et les hanches inexorablement tirées en avant, les chairs endolories ranimées par ce claquement sonore, cette note ténue de la lanière qui claquait dans mon dos ? Je ne pouvais pas réellement voir mon Maître. Mais chaque fois que la lanière me cinglait je le voyais comme je l’avais vu la nuit précédente, et l’aisance avec laquelle il me tourmentait encore une fois me laissa stupéfait Jamais je n’avais rêvé que cela cesserait à cause de nos étreintes. Mais que cela s’intensifie à ce point…J’éprouvai soudain tout le caractère intimidant de la profonde soumission qu’il attendait de moi.

Les poneys se frayèrent fièrement un chemin à travers la foule compacte, et plus d’une tête se tourna sur leur passage, parmi ces villageois qui grouillaient en tous sens, avec leurs paniers de marché ou leurs esclaves tenus en laisse. Et, chaque fois, le regard de l’observateur glissait des poneys à la mise impeccable vers l’esclave qui leur emboîtait le pas. Mais, si j’attendais des regards dédaigneux, je fus déçu. Ce que je vis, ce furent tout simplement des expressions d’amusement muet Où que ces gens portent le regard, ils découvraient un bout de chair nue punie, disposée, harnachée pour leur plaisir.

Comme nous passions sans cesse d’une rue à l’autre, empruntant au pas de course cette ruelle-ci puis celle-là, je me sentis plus sûrement égaré que je ne l’avais été sur la roue.

Chaque jour me réservait son lot d’événements redoutables, de surprises susceptibles de tout réduire à néant Et malgré mes gémissements de désespoir à cette pensée, malgré ma queue qui gonflait dans ses lacets, en dépit du fait que j’accélérais le pas avec plus d’énergie, en essayant par mes contorsions, d’échapper a la gifle du fouet, tout cela donnait a ce qui m’entourait un éclat singulier. Indéniablement, je ressentais le besoin de tomber aux pieds de mon Maître, de lui dire en silence que je comprenais le sort qui m’était réservé, que chacune de ces épreuves effroyables m’amenait à le comprendre plus clairement, et que je lui rendais grâce du plus profond de mon être d’avoir jugé bon de me faire plier et rompre avec tant de soin. N’avait-il pas employé ce mot, la veille, « briser » un nouvel esclave, et déclaré que le gros phallus était chose excellente pour cela ? Or, cette fois encore, le phallus me fendait largement, un autre m’étirait la bouche, ce qui rendait mes cris rauques et impossibles à maîtriser.

Peut-être me comprit-il à mes cris. Si seulement il voulait condescendre à me rasséréner, juste d’un petit attouchement du bout des lèvres…Et je me rendis compte, ce qui me fit presque sursauter, que jamais, sous l’effet de toutes les rigueurs que j’avais pu subir au château, je ne m’étais senti à ce point adouci, et servile.

Nous étions arrivés sur une grande place. Tout autour de nous, je vis les enseignes des auberges, les entrées cochères et les hautes fenêtres. C’étaient des auberges cossues et luxueuses, avec des fenêtres ornées comme celles d’un manoir. Et, quand on m’eut fouetté pour me faire décrire un large cercle autour du puits, la foule laissant aimablement passer les poneys, j’eus un choc en voyant le Capitaine des Gardes de la Reine musarder devant l’entrée.

À n’en pas douter, c’était bien le Capitaine.

Je me souvenais de ses cheveux blonds, de sa barbe mal rasée et de ses yeux verts et menaçants. Inoubliable. C’était lui qui m’avait enlevé à ma terre natale, qui m’avait capturé quand j’avais tenté de m’enfuir du campement et ramené, mains et chevilles ligotées à un pieu porté par deux de ses hommes à cheval. Je pouvais encore me rappeler cette grosse queue qui me transperçait et ce sourire silencieux quand il avait donné l’ordre de me faire traverser le campement à coups de fouet, soir après soir, jusqu’à ce que nous ayons atteint le château. Et puis il y avait eu ce moment étrange, inexplicable, quand nous avions pris congé l’un de l’autre et que nous nous étions regardés.

— Au revoir, Tristan, m’avait-il dit de sa voix la plus cordiale, et, les yeux toujours fixés sur lui, en silence, de mon propre chef, je lui avais baisé les bottes.

Ma queue le reconnaissait, elle aussi. Et, alors que l’on me guidait vers lui, j’eus la terreur soudaine qu’il ne me voie.

La disgrâce où j’étais réduit me paraissait dépasser les limites du supportable. Pour l’heure, toutes les règles étranges de ce Royaume paraissaient immuables et justes, et j’étais là, ligoté, pénitent, condamné au village. Il allait apprendre dans quelle déchéance j’étais tombé, que l’on m’avait renvoyé du château pour subir un traitement plus rude encore que celui qu’il m’avait réservé.

Or il était en train de regarder quelque chose par la porte ouverte de l’Enseigne du Lion, et je n’eus qu’à jeter un œil pour découvrir de quel petit spectacle il s’agissait. Une jolie villageoise, vêtue d’une jupe rouge ravissante et d’un chemisier à jabot, s’employait, en y mettant la plus grande diligence, à fesser une esclave renversée sur un comptoir en bois, et le joli visage au regard incrédule que l’on apercevait, derrière un rideau de larmes, était celui de la Belle. Elle se débattait et se tortillait sous le battoir. Mais je pus également voir qu’elle n’était pas dans les chaînes, autrement dit, qu’elle se trouvait exactement sous le même régime que moi, la veille au soir, sur la Roue en Place Publique.

Nous franchîmes le portail. Le Capitaine leva les yeux, et, comme dans un cauchemar, j’entendis mon Maître commander aux poneys de faire halte. Je me tins immobile, et ma queue se tendit contre le cuir. Mais l’inévitable se produisit. Mon Maître et le Capitaine, en train de se saluer et d’échanger des plaisanteries. Ensuite, le Capitaine s’attarda pour admirer les poneys. D’un geste brusque, il tira vers le haut la queue de cheval de celui qui se trouvait attelé du côté droit, relevant et caressant la touffe de poils noirs et luisants, et puis il pinça la cuisse rougeaude de l’esclave, qui hochait la tête, ce qui fit trembler le harnais. Le Capitaine partit d’un éclat de rire.

— Oh, nous avons ici des petits caractères vifs ! s’écria-t-il, et, apparemment excité par ce geste, il se retourna vers le poney, qu’il saisit à deux mains. Il releva le menton de l’esclave, puis son phallus, qu’il secoua plusieurs fois vers le haut en tirant dessus, jusqu’à ce que le poney botte et frétille des jambes. Après quoi il y eut une gentille petite tape sur l’arrière-train, et le poney retrouva son calme.

— Vous savez, Nicolas, fit-il de cette voix profonde et familière, capable, d’une seule syllabe, de vous pétrifier de terreur, j’ai répété plusieurs fois à Sa Majesté que, pour ses petits trajets, elle devrait renoncer aux chevaux au profit des esclaves poneys. À son intention, nous pourrions équiper une grande écurie en moins de deux, et je pense qu’elle trouverait cela fort plaisant. Mais elle ne voit là-dedans qu’un passe-temps de villageois, qu’elle se refuse à prendre véritablement en considération.

— Elle a un goût très singulier, Capitaine, répondit mon Maître. Mais, dites-moi, avez-vous jamais vu cet esclave auparavant ?

Et quelle ne fut pas mon horreur quand il me ramena la tête en arrière en tirant sur la bride de mon harnais.

Sans même regarder, je pus sentir les yeux du Capitaine posés sur moi. Je pouvais sans difficulté me représenter ma bouche cruellement distendue par le harnais, et les montants de la bride qui me marquaient la peau.

Il se rapprocha. Il se tenait là, debout, à moins de dix centimètres de moi. Puis j’entendis sa voix basse, au timbre plus profond encore.

— Tristan !

Et sa grande main chaude se referma sur mon pénis. Il le serra fort, en pressa le gland jusqu’à refermer la main dessus, puis il le relâcha, laissant la douleur persister, comme un nœud à son extrémité. Il me cajola les couilles, pinça entre ses ongles leur enveloppe de peau, pourtant déjà très tendue par le laçage.

J’avais le visage écarlate. Les dents cramponnées sur l’énorme phallus comme si j’avais pu le dévorer, je ne pouvais me résoudre à croiser son regard. Je sentais mes mâchoires se crisper, ma langue s’enrouler sur le cuir comme si j’y avais été contraint. Il me passa la main sur la poitrine, sur les épaules.

En un éclair, il me revint une image du campement, une image de moi, ligoté à ce grand croisillon de bois, à côté d’autres croisillons, tous disposés en cercle, avec les soldats debout, désœuvrés, autour de moi, et ce serait à qui me taquinerait la queue, à qui lui ferait la leçon, et moi, pendant ce temps-là, j’attendais, heure après heure, que l’on me donne ma correction du soir, à coups de fouet. Et puis l’image de ce sourire, celui du Capitaine, un sourire impénétrable, et de sa cape dorée jetée sur une épaule.

— Ainsi donc c’est là son nom, fit mon Maître, de sa voix qui donnait une impression plus jeune et plus raffinée que le murmure du Capitaine. Tristan.

Et l’entendre parler ne fit qu’accroître mon tourment.

— Bien sûr que je le connais, reprit le Capitaine. Sa grande silhouette sombre s’écarta juste un peu pour s’effacer devant une cohorte de jeunes femmes, qui passèrent en riant et en parlant fort.

— C’est moi qui l’ai amené au château, il y a six mois de cela. C’était l’un des plus farouches, et, quand on lui a donné l’ordre de se déshabiller, il s’est échappé et a fui dans la forêt, mais quand je l’ai mis aux pieds de Sa Majesté je l’avais déjà joliment maté. Il était devenu la mascotte des deux soldats qui avaient pour devoir, tous les jours, de lui faire traverser notre campement à coups de fouet. Il leur manque plus qu’aucun des esclaves qu’ils aient jamais eu à dresser.

Je tressaillis, mais en silence, ravalant le bruit que faisait ma bouche, même si, assez étrangement, le mors rendait la chose plus pénible.

— Une passion plutôt volcanique, continua cette voix, dans un grondement feutré. Ce n’était pas la sévérité des coups de fouet qui l’amenait à me manger dans la main ; c’était ce rituel quotidien.

Oh, comme c’était vrai, songeai-je. Mon visage me cuisait. De nouveau, cette sensation effrayante, inévitable de ma nudité, m’envahit. Je voyais encore la terre fraîchement retournée devant les tentes du campement, je sentais encore les sangles et j’entendais encore leurs pas et leurs conversations quand ils me faisaient avancer à côté d’eux. « Allez, encore jusqu’à cette tente, Tristan. » Ou leur salut, chaque matin : « Allez, Tristan, c’est l’heure de notre petite randonnée dans le campement, c’est ça, c’est ça, regarde-moi ça, Gareth, comme il apprend vite, ce jeunot. Qu’est-ce que je t’avais dit, Geoffrey, qu’au bout de trois jours je n’aurais plus à me servir des menottes ? »

Ensuite ils me faisaient manger dans leurs mains et m’essuyaient la bouche, presque affectueusement, me gratifiaient d’une petite tape et me donnaient à boire trop de vin ; après la tombée de la nuit, ils m’emmenaient dans la forêt. Je me souvenais de leurs queues, de leurs discussions pour décider qui serait le premier, et s’il valait mieux que ce soit dans la bouche ou dans l’anus, et quelquefois, l’un d’eux s’y mettait par-devant et l’autre par-derrière, et le Capitaine, à ce qu’il me semblait, n’était jamais bien loin, et toujours avec le sourire. Ainsi, ils nourrissaient bel et bien de l’affection à mon endroit Ce n’était pas le fruit de mon imagination. Pas plus que la chaleur que j’éprouvais pour eux. Et, lentement l’idée se fit jour en moi que je ne pouvais plus rien nier de tout cela.

— À vrai dire, c’était l’un des Princes les plus agréables, l’un des plus merveilleusement éduqués, confia le Capitaine dans un murmure, de cette voix qui paraissait être issue de sa poitrine et non de sa bouche.

Subitement, j’eus envie de tourner la tête et de le regarder afin de voir s’il avait aussi belle allure maintenant qu’alors. Précédemment, je ne l’avais entrevu que trop rapidement.

— Confié à Sire Etienne en qualité d’esclave attaché à sa personne, poursuivit-il, avec la bénédiction de la Reine. Je suis surpris de le voir ici. (Je sentis la colère poindre dans sa voix.) J’ai annoncé à la Reine que je l’avais maté personnellement.

Il leva ma tête, la fit tourner vers la droite et puis la gauche. Je compris, avec une tension croissante, que j’étais demeuré presque silencieux durant tout ce temps, en déployant tous mes efforts pour ne pas émettre le moindre son en sa présence, mais à présent j’étais sur le point de lâcher prise, et, finalement, je ne pus me maîtriser. Je lâchai un gémissement sourd, mais cela valait encore mieux que de pousser un cri.

— Qu’avez-vous fait ? Regardez-moi ! ordonna-t-il. Avez-vous déplu à la Reine ?

Je hochai la tête en signe de dénégation, mais pour rien au monde je ne l’aurais regardé dans les yeux, et j’eus l’impression que, sous mon harnachement, c’était tout mon corps qui enflait.

— Est-ce à Etienne que vous avez déplu ?

Je hochai la tête. Je croisai brièvement ses yeux, pour détourner aussitôt mon regard, incapable de soutenir le sien. Il existait entre cet homme et moi, un lien étrange. Et aucun lien – c’était là toute l’horreur de la chose – n’existait entre Etienne et moi.

— Et avant cela il avait été votre amant, n’est-ce pas ? insista le Capitaine, en s’approchant tout près de mon oreille, même si je savais que mon Maître pouvait l’entendre. Des années avant qu’il ne vienne vivre dans le Royaume.

Je hochai la tête à nouveau.

— Et cette humiliation, c’était plus que vous n’en pouviez supporter ? interrogea-t-il. Vous à qui l’on a enseigné comment ouvrir les fesses pour les hommes du rang ?

— Non ! criai-je contre le mors, en secouant violemment la tête.

Ma tête tambourinait. Et cette prise de conscience, inévitable et lente, qui avait commencé quelques instant plus tôt se fit de plus en plus claire.

Par pure frustration, je criai. Si seulement j’avais pu m’expliquer.

Mais, empoignant la petite boucle d’argent du phallus que j’avais dans la bouche, le Capitaine me repoussa la tête en arrière.

— Ou bien était-ce, fit-il, que votre ancien amant n’avait pas la force de se rendre Maître de vous ?

À présent, je tournai les yeux, pour le dévisager, et, si tant est que l’on puisse parler de sourire s’agissant de quelqu’un qui, comme moi, portait une telle bride en bouche, alors, oui, je lui souris. J’entendis sourdre lentement mon propre gémissement Et, en dépit de sa main agrippée au phallus, je hochai la tête.

Son visage était limpide et beau, comme dans mon souvenir. Quand il prit à son tour le fouet que j’avais déjà entendu claquer dans les mains de mon Maître, je vis sa silhouette pleine et robuste se découper dans le soleil. Et, quand il se mit à me fouetter, nous ne nous quittâmes pas des yeux.

Oui, la prise de conscience était entière. Oui, j’avais voulu, voulu cette totale déchéance du village. Je ne pouvais supporter l’amour d’Etienne, ses hésitations, son incapacité à me gouverner. Et, pour cette faiblesse qu’il avait manifestée à l’égard du lien qui nous prédestinait tous deux, je le méprisais.

La Belle avait compris mes pensées. Elle avait mieux lu dans mon âme que moi-même. C’était ce que je méritais, ce que je désirais avidement, parce que c’était aussi violent que le campement des soldats, où ma dignité, ma fierté, ma personne avaient été totalement pillées.

Le châtiment – ici, sur cette place affairée, ruisselante de soleil, même avec ces petites villageoises qui se retrouvaient à cet endroit, et avec cette femme debout les bras croisés, à la porte de l’auberge, et les coups sonores et cinglants du fouet –, le châtiment, c’était ce que je méritais, ce dont j’avais soif, même si c’était avec terreur. Et, dans un moment de complète abdication, j’écartai largement les jambes, je rejetai ma tête en arrière et basculai les hanches, offert en un geste de total assentiment au fouet.

Le Capitaine, la lanière plate en main, se lança dans une suite d’amples moulinets.

Sous le coup des douleurs cuisantes et des blessures qu’on lui avait infligées, mon corps était à vif. Assurément, mon Maître avait percé mon secret. Et il n’y aurait pour moi nulle pitié car mon Maître, ayant déchiffré ce petit dialogue avec le Capitaine, allait m’emmener accomplir le trajet complet, et j’aurais beau le supplier de mes pleurs et de mes plaintes, peu lui importerait.

C’en était fini avec le fouet, mais je ne quittai pas ma posture d’imploration. Alors le Capitaine rendit le fouet à son propriétaire puis se mit subitement à me caresser le visage et, mû par une impulsion, me baisa les paupières exactement comme l’avait fait mon Maître. En moi, le dernier nœud se dénoua. Ce m’était un supplice de ne pouvoir baiser ses pieds, ses mains, ses lèvres. Et que je ne puisse simplement incliner mon corps soumis à la torture vers le sien.

Il se retira, tendit le bras à mon Maître. Je les vis s’embrasser, plutôt avec naturel, du moins était-ce l’impression que j’en eus, et je vis alors que mon Maître était plus mince de carrure, aussi élégant qu’un couteau finement ouvragé, à côté du Capitaine, solidement charpenté.

— C’est toujours comme ça, repartit le Capitaine avec un lent sourire, tout en regardant mon Maître du fond de ses yeux froids et rusés. Dans une fournée d’une centaine de petits esclaves timides et inquiets qu’on nous envoie ici pour les amender, il y en a toujours qui ont sollicité le châtiment parce qu’ils avaient besoin d’en subir la rigueur, non pour se purifier de leur faute, mais pour dompter leurs appétits sans limites.

Cela était si vrai que j’en pleurai, frappe dans le tréfond de mon âme par les encouragements que ce discours allait apporter à tous mes bourreaux.

« Je vous en supplie, avais-je envie d’implorer, nous ne savons pas ce que nous nous faisons à nous-mêmes. Je vous en prie, ayez pitié. »

— Ma petite fille à l’Enseigne du Lion, ma Belle, c’est la même chose, reprit le Capitaine. Une âme vorace et nue, qui fomente en moi de dangereuses passions.

La Belle. Il l’avait observée par la porte de l’auberge. Ainsi, c’était lui son Maître. Je sentis rayonner en moi une onde proprement divine de jalousie et de consolation.

Mon Maître me transperça du regard. J’étais secoué de sanglots, de spasmes qui se transmettaient à ma queue et à mes mollets endoloris.

Mais j’avais le Capitaine à côté de moi.

— Nous nous reverrons, mon jeune ami, me souffla-t-il encore contre ma joue, ses lèvres, me sembla-t-il, goûtant la peau de mon visage, et sa langue léchant mes lèvres maintenues cruellement ouvertes. C’est-à-dire, avec la gracieuse permission de votre Maître.

 

Lorsque nous poursuivîmes notre route et sortîmes de la place d’un pas énergique pour nous engager dans d’autres ruelles, j’étais inconsolable, et, alors même que nous dépassions des centaines d’autres infortunés, mes pleurs étouffés firent tourner plus d’une tête. S’étaient-ils trouvés, eux, révélés à eux-mêmes et à leurs Maîtres et Maîtresses comme je l’avais été moi-même ?

À tel point endolori d’avoir reçu le fouet de la main du Capitaine que la moindre chiquenaude de cette lanière me faisait sursauter, je tâchais de ne freiner en rien notre équipage, gémissant alors que les poneys me tiraient à leur suite.

Nous traversâmes une rue étroite où des esclaves à louer étaient pendus au mur par les mains et les pieds, le pubis oint et luisant, avec le tarif griffonné à même la pierre au-dessus d’eux. Dans une pente échoppe, je vis une couturière nue occupée à épingler un ourlet et, sur une placette à ciel ouvert, un groupe de Princes nus qui faisaient tourner une trépigneuse. Des Princes et des Princesses également nus se tenaient agenouillés ici et là, avec des plateaux de pâtisseries à vendre, sans nul doute à peine retirées du four du Maître ou de la Maîtresse, et une petite corbeille pendait à la bouche des esclaves afin de leur permettre de recueillir avec humilité les pièces de monnaie de l’acheteur.

La vie ordinaire du village se déroulait sous mes yeux comme si ma détresse n’existait pas, comme si elle ne se manifestait pas si bruyamment par mes lamentations.

Enchaînée à un mur, une pauvre Princesse geignait et se débattait, tandis que trois villageoises rieuses lui passaient négligemment la main sur le pubis en guise de taquinerie.

Et même si je n’apercevais plus rien nulle part de cette sauvagerie théâtrale à laquelle j’avais assisté la veille au soir sur la Place des Châtiments Publics, cette vie quotidienne au village avait à la fois quelque chose de superbe et d’horrible.

Sur le pas d’une porte, une matrone aux formes généreuses, assise sur un tabouret, fessait de sa grosse main large, à toute volée, un Prince nu renversé sur ses genoux en le fustigeant avec colère. Et une Princesse qui, des deux mains, tenait sur sa tête une cruche d’eau, attendait humblement que son Maître lui plante entre les lèvres rouges de son pubis un phallus de bonne taille, attaché à une laisse, grâce auquel il put la tirer vivement à sa suite.

Et puis nous arrivâmes dans des rues plus calmes, des rues où logeaient des hommes dotés de propriétés et d’une position sociale élevée. Des heurtoirs de cuivre surmontaient des portes vernies. Aux crochets disposés en hauteur, des esclaves étaient pendus, ici et là, en guise d’ornements. Le silence descendit sur la rue, et il n’y eut plus que les fers des poneys qui résonnaient fort et qui claquaient jusqu’au sommet des murs, et j’entendis plus distinctement mes propres pleurs.

Je ne parvenais pas à imaginer ce que les prochains jours me réservaient. Tout semblait d’une telle évidence, la population paraissait tellement accoutumée à nos pleurs, à ce que notre servitude nourrisse ces lieux aussi sûrement que la viande, les boissons, et la lumière du soleil.

Et, par-delà tout cela, j’étais comme sous le coup d’un appel à me laisser porter sur une vague de désir et de soumission.

Nous avions fait à nouveau le tour pour regagner les lieux où logeait mon Maître. Les lieux où je logeais. Nous passâmes devant la porte d’entrée, décorée exactement comme celles que nous avions vues, et devant les grandes fenêtres avec leurs coûteux petits carreaux encadrés de plomb. Puis nous tournâmes l’angle de la maison, en rejoignant, par la petite ruelle, la rue de derrière qui longeait les remparts.

Les guides et les phallus nous furent retirés en toute hâte, les poneys furent renvoyés, et je m’écroulai aux pieds de mon Maître pour les couvrir de baisers. Je baisai le cou-de-pied de ses bottes, leur cuir de maroquin velouté, les talons, les lacets. Mes sanglots déchirants éclatèrent de plus en plus fort.

De quoi l’implorais-je ? Oui, fais de moi ton vil esclave, sois miséricordieux. Mais je suis pétrifié, pétrifié de terreur.

Et, dans un moment de pure folie, j’aurais voulu qu’il m’emmène de nouveau sur la Place des Châtiments Publics. Et là, sans retenue aucune, je me serais précipité vers la Roue en Place Publique.

Mais il se contenta de tourner pour entrer dans la maison ; j’entrai à sa suite, à quatre pattes, et, tandis qu’il marchait, je lui lapai les bottes, lui donnai de petits baisers, décochés comme des fléchettes, en le suivant dans le corridor, jusqu’à ce qu’il me laisse dans la petite cuisine.

Je fus baigné et nourri par de jeunes serviteurs mâles. Aucun esclave ne travaillait dans cette maison. J’étais le seul à y être retenu, à ce qu’il semblait, pour y subir tous les tourments.

Et tranquillement, sans la moindre explication, je fus amené dans une petite Salle à manger. Je fus promptement placé debout contre le mur et enchaîné là, les jambes et les bras décrivant un croisillon, puis on m’abandonna.

La pièce était cirée et rangée – à présent pouvais la voir en son entier –, une vraie pièce cossue de petite maison de village comme je n’en avais jamais connue au château dans lequel j’étais né et où j’avais grandi, ou au château de la Reine. Les solives basses du plafond étaient peintes et décorées de fleurs, et je me sentais comme lorsque j’étais entré dans cette maison pour la première fois, immense et honteusement mis à nu, un véritable esclave ligoté là parmi les tablettes d’étain qui reluisaient, les hauts fauteuils de chêne, et le dessus de cheminée bien épousseté.

J’avais les pieds posés à plat sur le sol ciré, et je pouvais peser sur eux de tout mon poids, tout en prenant appui contre le mur. Et si seulement ma queue voulait bien s’endormir, songeai-je, je pourrais me reposer également.

Les servantes allaient et venaient avec leurs balais et leurs serpillières, discutant du dîner pour savoir s’il fallait rôtir le bœuf avec du vin rouge ou du vin blanc et y ajouter l’oignon tout de suite ou plus tard. Elles ne me prêtaient aucune attention, si ce n’est pour m’administrer une gentille petite tape en passant, pour balayer la poussière autour de moi, pour s’affairer, aux petits soins, et je souris en écoutant leur bavardage. Mais, juste comme je commençais de m’assoupir, j’ouvris soudain les yeux pour découvrir les formes et le visage ravissants de ma Maîtresse aux cheveux noirs.

Elle me toucha la queue, la recourba vers le sol, ce qui la fit revenir brutalement à la vie. Elle avait dans les mains plusieurs petits poids gainés de cuir noir avec des crochets, semblables à ceux que j’avais portés la veille sur mes tétons, et, tandis que les servantes continuaient de parler derrière une porte fermée, elle appliqua ces crochets à la peau pendante de mon scrotum. Je tressaillis. Je ne pouvais demeurer immobile. Les poids étaient juste assez lourds pour me rendre douloureusement conscient de chaque centimètre de mes chairs sensibles et du moindre balancement de mes couilles – et j’avais bien l’impression qu’il allait y avoir mille et un de ces balancements inévitables. Elle œuvrait de façon réfléchie, me pinçait la peau comme le Capitaine l’avait pincée de ses ongles. Lorsque je bronchais, elle n’y prenait pas garde.

Puis elle m’entrava le pénis à la base au moyen d’un poids bien lourd qui se balançait dessous, et, alors que mon organe dansait comme un bouchon sur la vague, je sentais la froideur de fer du poids contre mes testicules. Le contact de ces choses, leurs mouvements agissaient comme autant de rappels intolérables de ces organes qui faisaient saillie et de cette dégradante mise à nu.

La petite pièce devint plus indistincte, plus renfermée. La silhouette de ma Maîtresse se découpait devant moi, du haut de toute sa stature. Je serrais fortement les dents pour m’interdire le moindre petit cri de supplication, car j’en aurais été mortifié, puis je fus à nouveau gagné par cette sensation d’abandon, et je suppliai discrètement, avec de faibles soupirs et des gémissements. J’avais été un sot de penser que l’on me laisserait en paix.

— Vous allez porter ces choses, m’annonça-t-elle, jusqu’à ce que votre Maître vous envoie chercher. Et, si ce poids glisse de votre queue, il ne saurait y avoir à cela qu’une seule et unique raison, c’est que votre queue se sera ramollie et libérée de son entrave. Pour cela, elle sera fouettée, Tristan.

Incapable de soutenir son regard, je hochai la tête, pendant qu’elle attendait.

— Auriez-vous besoin qu’on vous fouette tout de suite ? me demanda-t-elle.

Je fus assez avisé pour ne pas répondre. Si je lui disais non, elle me rirait au nez et prendrait cela pour une impertinence. Si je disais oui, j’étais sûr qu’elle en serait outragée et que le fouet devrait s’ensuivre.

Mais déjà, de sous son tablier bleu foncé, elle avait tiré une délicate petite lanière. Je laissai échapper une succession de soupirs brefs. Alors elle me fouetta le pénis en tous sens, ce qui déclencha des ondes de choc jusqu’au fond de mes reins, et mes hanches se tendirent vers elle. Tous les petits poids me tiraient dessus comme des doigts qui m’auraient distendu la peau et qui, par saccades, auraient tiré sur ma queue. Quant à l’organe lui-même, il était d’un rouge violacé, et il surgissait, droit.

— Ce n’est là qu’un petit exemple, prévint-elle. Quand on vous exhibe dans cette maison, il faut que vous soyez convenablement mis.

Encore une fois, je hochai la tête. J’inclinai le front et je sentis perler mes larmes brûlantes au coin de mes yeux. Elle leva un peigne et doucement, avec soin, elle me le passa dans les cheveux, arrangea mes boucles, bien nettes au-dessus de mes oreilles, et les ramena en arrière pour me dégager le front.

— Il faut que je vous dise, chuchota-t-elle, vous êtes le plus beau Prince du village, et de loin. Je tiens à vous avertir, jeune homme, vous courez bel et bien le risque que l’on vous rachète argent comptant. Mais je ne vois pas ce que vous pourriez faire pour prévenir pareil danger. Désobéissez et le village demeurera votre lot de toute façon. Gigotez de vos belles hanches, en signe de charmante soumission, et vous n’en serez que plus séduisant. En ce qui vous concerne, il se peut toutefois qu’il n’y ait déjà plus aucun espoir à ce sujet. Car, s’il veut vous acquérir pour trois ans, Nicolas est assez riche. J’aimerais voir les muscles de ces mollets après trois années passées à tirer ma voiture, ou après les petites promenades de Nicolas dans le village.

J’avais levé la tête et, de mes yeux baissés, je soutins le regard de ses yeux bleus. Assurément, elle pouvait voir combien j’étais dérouté. Pouvait-on nous faire demeurer ici ?

— Oh, à seule fin de vous garder, il peut présenter un bon argument, fit-elle. Que vous avez besoin de la discipline du village, ou peut-être même qu’il a enfin trouvé l’esclave de ses désirs, tout simplement. Il n’est pas un Seigneur, mais il est le Chroniqueur de la Reine.

Il y eut dans ma poitrine une bouffée de chaleur qui palpita comme le feu lent de mon dard. Mais Etienne ne voudrait jamais… Toutefois, peut-être Nicolas était-il tenu en plus haute estime qu’Etienne !

« Il a enfin trouvé l’esclave de ses désirs. » Ces mots se fracassèrent à l’intérieur de mon crâne.

Quoi qu’il en soit, elle m’enleva au tourbillon, au défi de mes propres pensées, qui m’emportait dans cette petite pièce, et elle sortit dans le petit vestibule faiblement éclairé pour monter l’escalier dans l’obscurité. L’espace d’un court instant, ses jupes rouge bordeaux éclairèrent la pénombre d’une tache claire.

La Punition
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